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Archives de la Licence Socio - P7
26 février 2012

LESTAGE Françoise. Les Indiens mixtèques dans les Californies contemporaines.

Les Indiens mixtèques dans les Californies contemporaines


L’ouvrage de Françoise Lestage édité pour la première fois en novembre 2008 aux éditions Presses Universitaires de France dans la collection Ethnologie, « Les Indiens mixtèques dans les Californies contemporaines » traite, comme son nom l’indique, de la présence et du mode de vie, plus exactement d’intégration, des mixtèques dans la société américaine moderne. La notion principale de cette recherche est de montrer que les mixtèques, malgré les déboires que connaissent leur civilisation, restent d’une certaine façon fidèles à leur identité, restant des mixtèques au sein du nouveau peuple américain aux coutumes occidentales, autant sur un plan social qu’économique ou encore politique. Elle appelle cela la reterritorialisation des indiens mixtèques.

L’auteur de ce livre, Françoise Lestage, est une anthropologue qui enseigne à l’université Paris 7 - Denis Diderot. Elle est l’auteur de plusieurs livres déjà publiés, celui-ci étant le plus récent à ce jour. Il fut publié pour la dernière fois en janvier 2009.

 

Mon parcours analytique de cet ouvrage se fera sur deux aspects : la forme et le fond. J’étudierai la façon dont progressent l’analyse et le développement de Françoise Lestage, la façon dont elle enchaîne les chapitres et la logique dans laquelle elle le fait, tout en mettant en exergue pour chaque chapitre les points importants qui lui permettent d’établir son raisonnement.

 

 

 

 

 

 

 

Dans son introduction, l’auteur donne d’abord les définitions des termes de sa recherche. Elle y explique, par le biais d’un bref résumé historique, que le nom de « mixtèque » n’est initialement pas celui que s’octroyaient eux-mêmes ceux désignés comme tels aujourd’hui, mais que ce nom vient des Aztèques. La langue que ces premiers parlent est éponyme mais elle est désignée par eux comme le nahuatl.

 

Elle explique ensuite que le mot « Indien » n’est employé innocemment que par les occidentaux, et qu’ailleurs, notamment par chez eux, ce terme a une connotation péjorative. Alors, si elle l’utilise, ça n’est que pour la bonne compréhension de ses lecteurs français, et non dans le sens péjoratif dont elle est consciente de l’existence.

 

Elle prend appui sur cet aspect de nomination pour expliquer ensuite que cette notion a une importance particulière pour ce peuple. En effet, le fait de se désigner d’une telle ou telle façon par rapport à d’autres est une manière de consolider leur identité. Elle évoque ensuite les différents noms que reçoivent et se donnent les mixtèques à partir de critères qui varient selon ceux qui donnent le nom. « La Raza » est notamment celui qui attire le plus son attention.

 

Elle évoque ensuite l’existence de « «communautés indiennes » ou « communautés mixtèques » et évoque également leur essence, ce qui les fait, les maintient, et ce qu’elles sont concrètement au sein de l’État-Nation Nord américain.

 

 

 

Cette fin d’introduction traitant de l’intégration d’abord géographique des mixtèques dans les États-Unis, donc l’éloignement de leurs terres, sert à lancer le premier chapitre « Des Indiens loin de leurs terres », dans lequel elle parle tout d’abord des différents Indiens vivant aux États-Unis. Les « indìgenas », les mexicains originaires des états du Nord et les migrants mexicains.

 

Elle évoque par la suite les différentes façons dont s’y prennent les mixtèques pour conserver leur affiliation et leur appartenance à leurs coutumes natales, comme les femmes qui reviennent au village pour accoucher par exemple. Puis elle prend le contrepied en nous parlant des migrants mixtèques dans la ville de Tijuana, ces migrants parmi lesquels les plus récents sont les plus distinguables dans la foule en raison de leur comportement et leur accoutrement qui tranche avec ceux des

 

touristes ou des habitants de Tijuana.

 

Enfin elle clôt le chapitre en poursuivant sur les migrants, mais en parlant du regard qu’ils reçoivent, notamment de la presse et des médias ; ils y sont souvent montrés, parfois exhibés et caricaturés, parfois montrés du doigt et discriminés, souvent à tort.

 

 

 

Le sujet des migrants maintenant abordé, l’auteur ouvre le deuxième chapitre qui parle en quatre sous-parties de l’établissement des migrants dans la société américaine et mexicaine, notamment celle de la ville de Tijuana.

 

Elle parle d’abord, dans les deux premières, des bouts de ville qui sont devenus majoritairement peuplés par les mixtèques, sans pour autant encore devenir « leurs » quartiers, et des quelques institutions qui leurs sont propres toutefois.

 

Dans les deux autres elle raconte que les habitations des mixtèques installés à Tijuana connaissent des changements. Quel que soit le quartier ethnique, les habitations sont d’abord sommaires et/ou semblables à celles de leur pays natal. Si évolution il y a, ça n’est cependant pas la même selon le quartier. En soulignant cela, elle cherche à montrer que dans ce nouveau lieu de vie, les mixtèques connaissent des inégalités vis-à-vis des locaux mais aussi entre eux, à cause du quartier dans lequel ils sont arrivés. Inégalités qu’ils ne connaissaient pas, ou alors à juste titre, dans leurs villages. Elle termine cette sous-partie en expliquant que les habitations des migrants mixtèques finissent toutes ou presque, et surtout quel que soit le quartier, par évoluer en demeure semblable à celles de Tijuana, pour lancer la dernière sous-partie de ce chapitre qui explique la procédure des premières « possessions sociales » des mixtèques en Basse-Californie.

 

 

 

Dans le troisième chapitre, assez court, elle dévoile l’existence de deux générations de migrants mixtèques, ainsi que les conflits qu’il y a entre elles. Ces conflits sont autant physiques que des conflits de principe, et par ce biais on peut aisément comparer ces migrations à celles dont parle Abdelmalek Sayad dans son texte sur les différents âges de l’émigration en France, où les intérêts, les états d’esprits et les actes changent d’une génération à l’autre.

 

 

 

D’une certaine façon, ce chapitre sert peut-être uniquement à introduire le quatrième d’une façon plus approfondie que si l’on était directement passé de l’intégration sociale des mixtèques à l’éducation des mixtèques dans ces lieux d’émigration ; Grâce à ce troisième chapitre qui évoque les conflits de générations, on entre en effet mieux dans le vif du sujet du quatrième chapitre : l’éducation mixtèque.

 

Pour parler de celle-ci, Françoise Lestage explique l’utilité de l’école et de l’église, ainsi que leur impact, pour l’intégration de migrants dans un lieu d’émigration. 
C’est en installant un lieu où les enfants apprennent la vie dans la langue et le respect de l’origine de leurs parents, que ceux-ci pourront les transmettre aux générations d’encore après. Ces écoles servent donc à « canaliser » les générations plus jeunes, à les recentrer sur ce qui les lie aux générations précédentes, et donc à terme à unifier la « communauté mixtèque » encore davantage.

 

Puis ce sont les écoles bilingues qui se créent, nous dit-elle, en suivant des procédures particulières. Pourtant, pour certaines raisons, ceux qui n sont pas mixtèques éprouvent des difficultés à s’intégrer dans ces écoles, voire à y entrer.

 

On peut sans doute y voir un souhait des mixtèques de s’isoler de la population mexicaine, mais dans quel but ? La vengeance des discriminations reçues auparavant, le souhait de recréer une société « personnelle » pour retrouver leur vie d’avant, peut-être même en changeant leurs us en les « américanisant » ? Ce qui est certain, c’est que les avis sur les intégrations d’enfants non mixtèques dans les écoles bilingues fait polémique, et même plus.

 

L’auteur nous apprend en fin de chapitre que ces appropriations institutionnelles créent des conflits politiques et sociaux qui peuvent avoir des répercussions, tels que ces enseignants suspendus et privés de salaire, renvoyés, et autres.

 

 

 

Le cinquième chapitre aborde l’aspect religieux, suite logique au sujet de l’école. Ce chapitre montre la domination de la culture religieuse originelle des mixtèques sur la puissance pourtant conséquente du catholicisme au Mexique.

 

Cela semble être plus une conséquence directe qu’une cause de la solidification identitaire des indiens mixtèques évoquée plus tôt.

 

Pourtant, cette robustesse culturelle ne dure qu’un temps, dans le domaine de la religion, car le catholicisme regagne du terrain et s’empare même des écoles mais cela se fait relativement en douceur et non par le biais d’une quelconque croisade ou guerre de religion ou de civilisation.

 

 

 

Un autre aspect de la vie mixtèque à Tijuana est développé dans le chapitre suivant : celui de la parenté. En effet, les liens familiaux sont présents et « efficaces » dans la vie des mixtèques, et cela sous deux aspects : Cela sert aux mixtèques d’origine d’avoir une certaine influence sur le bien-être de la « communauté mixtèque » même sans s’intégrer particulièrement dans les affaires politiques et sociales, mais aussi cela permet à des individus qui ne sont pas nés en Mixtèque d’être considéré comme tel, et pas juste par intérêt, mais par réelle considération familiale et traditionnelle.

 

Françoise Lestage nous explique que les liens familiaux et matrimoniaux sont plus complexes qu’ailleurs et constituent un véritable réseau établi sur des règles de permissions et d’interdictions diverses et variées.

 

Par cela, on comprend que les liens familiaux, s’ils n’avaient pas conservés leur importance et leur constitution lors des premières migrations mixtèques, et se sont donc reconstitués avec le temps et la confiance due à l’intégration progressive et réussie des mixtèques à Tijuana, ont su se développer d’une façon suffisamment efficace pour qu’ils se renforcent et renforcent, eux aussi, le sentiment d’identité propre des mixtèques loin de chez eux. C’est une autre façon de bien vivre dans une ville qui n’est initialement pas leur.

 

 

 

A terme de ce chapitre et juste avant le suivant, Françoise Lestage a glissé quelques photographies illustrant les différents aspects qu’elle a abordé dans cette première partie du livre. Ces photos en noir et blanc sont prises par l’auteur elle-même et permettent de rendre plus concret son discours au regard du lecteur, qui a toujours une certaine curiosité visuelle.

 

 

 

Le septième chapitre, donc, malgré les photographies, suit directement le cours du chapitre six. Des liens de parenté et de leurs avantages et inconvénients, on passe à l’un des aspects avantageux de ceux-ci : le commerce. L’auteur entre dans le détail afin de montrer que ce commerce-là est complexe et organisé et qu’encore ici la puissance du désir identitaire des mixtèques y est forte et présente.

 

 

 

Le nouvel aspect abordé et aussi conséquent que le commerce –qui concerne l’économie- est celui de la politique. L’auteur parle d’abord des institutions politiques mixtèques en vigueur, et de leurs leaders, leurs porte-paroles. En parlant de cela, elle souligne la façon toute particulière de ces gens de considérer et d’«utiliser » la politique. On y apprend les conflits inter-dirigeants et les raisons de ceux-ci. C’est peut-être le seul aspect sous lequel on peut discerner des mésententes entre les membres de la « communauté mixtèque ».

 

 

 

Le neuvième et dernier chapitre de cet ouvrage anthropologique cloue en beauté la continuité établie par l’auteur dans son choix de l’ordre des chapitres, en parlant des différentes célébrations et festivités rituelles des mixtèques. Les impliquant dans la vie de Tijuana, sans les imposer aux non migrants mais en leur y donnant accès, ces célébrations sont quelque part l’apogée de l’intégration mixtèque au Mexique.

 

Le fait de faire leurs propres festivités en zone qui n’est à la base pas la leur suffit à montrer la fixation du peuple mixtèque dans Tijuana, si bien que la dernière question de l’ouvrage consiste à savoir si une fête nationale mixtèque verra ou non le jour à Tijuana.

 

 

 

A terme de ce livre, j’en retire une certaine volonté de bien construire l’enchaînement les chapitres, comme je l’ai dis en introduction, sans doute afin de correspondre symboliquement à l’enchaînement constructif de l’intégration des migrants mixtèques en Basse-Californie, voire pour correspondre à l’ordre exact dans lequel s’est fondée l’intégration des migrants mixtèques.

 

Ce qui est néanmoins certain, c’est que cet ouvrage traite tous les aspects d’une émigration, de la cause historique aux conséquences d’aujourd’hui en passant par les différents moyens de procéder, leurs causes et leurs conséquences sur la vie des zones d’accueil et sur la vie même des migrants.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

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